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Dans la file d'attente...

  • Photo du rédacteur: Laurence Gardin
    Laurence Gardin
  • 4 mars 2020
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 juin 2020

Un soir d’hiver, il fait nuit, je sors chercher du pain. L'esprit préoccupé, je marche dans la rue sans rien voir, je me hâte vers ma baguette.

J'arrive à la boulangerie et prends place dans une longue file d’attente. La scène est floue, j’y suis sans y être, légèrement inquiète, l’esprit accaparé à ressasser je ne sais quoi. Je distingue vaguement le décor : lumière vive à ma gauche, couleurs dans la vitrine, tartes aux fruits, éclairs au chocolat.

Une voix se distingue du brouhaha, forte, aigue. C’est la boulangère qui sert à la chaine, répétant les mêmes mots, avec la même intonation devant chaque client qui défile.


Subitement, la scène devient très précise : devant moi, une vieille dame se tient voutée, accrochée à son déambulateur. Elle porte un gilet bleu marine sur lequel se détachent nettement ses cheveux blancs tombés sur ce vêtement foncé. En silence, mes commentaires débutent : dommage, je n’ai pas ma petite brosse adhésive, j’aurais pu nettoyer son gilet, lui ôter cheveux et pellicules.


Je regarde cette vieille dame de dos, penchée sur son engin, le poids de la vie sur ses épaules. Je l’imagine très seule, que cette sortie à la boulangerie est peut-être le seul moment de la journée où elle voit d’autres personnes.


Petite rencontre


Arrive son tour, elle demande une baguette. La boulangère lui tend le pain et lui rend la monnaie. La vieille dame laisse tomber les pièces au sol. Aussitôt, un homme dans la file et moi ramassons les pièces pour les lui rendre. Lui d’abord, moi ensuite. Je mets les pièces dans sa main, on se regarde dans les yeux, je la vois enfin de face, je lui souris, elle me sourit.  Ses yeux pétillants plongés dans les miens, la vieille dame me dit : Si vous saviez à quel point un sourire fait du bien.

Un peu chamboulée, je lui réponds : "oui, c’est vrai, ça fait du bien un sourire ». 

Moi je parlais du sien, elle du mien. On ne sait qui sourit en premier, juste des sourires échangés.

Puis avec une vivacité loin de la frêle petite dame que j‘avais imaginé quand je l’observais de dos quelques minutes plus tôt, un éclat de joie dans la voix, elle me dit : 

« nous sommes sept milliards sur cette planète, on peut s’entre tuer ou se tendre la main, c’est au choix. »  

Petite rencontre chaleureuse.  Être présent, disponible à l’instant, et rencontrer ce qui surgit, comme par magie. 

C’est vif, frais, loin du brouillard de pensées dans lequel parfois on s’égare.

L’idée que l’on se fait des choses n’a jamais la saveur de la vie qui se donne dans la fraîcheur de l’instant.

Photo Laurence Gardin - Une autre dame au déambulateur à Belleville, Paris.

 
 
 

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